LÉGENDES MÉDIÉVALES
1. MERLIN
Merlin et La Vielle Femme présente un Merlin observateur qui contemple l’univers et guette la vie et l’éternelle cause « Qui fait mourir et puis renaître l'univers »[1], lorsqu’une vieille, une centenaire, apparaît suivant la berge du fleuve. Cette vielle est l’amante de Merlin. Amante dont l’âge ne lui empêche pas de prendre soin, comme les autres, de son apparat et de ses toilettes :« Puis les pâles amants joignant leurs mains démentes »[2]. L’amour qui réunit ces deux êtres pâles de souffrances d’amour, de vieillesse ou de maladie semble bien different. Il a pour seul laps l’entrelacs des doigts des amants. Or la vieillesse de l’amante ne l’empêche pas de danser comme une jeune de vingt ans « […] mimant un rythme d'existence » [3].
La centenaire, qui est influencée dans ses danses par la magie de Merlin, est Morgane, la demi-sœur et l’adversaire éventuelle du prochain roi Arthur. Elle reconnaît avoir exercé la magie à son tour : « J'ai fait des gestes blancs parmi les solitudes » [4]. Cette magie n’est rien qu'un pur effet de l'Art. La vieille amante, qui a passé toute la vie, pas la sienne mais celle de son amant, à danser, s’identifie à l’aubépine défleurie avec la fin du printemps :
Mais j'eusse été tôt lasse et l'aubépine en fleurs
Cet avril aurait eu la pauvre confidence
D'un corps de vieille morte en mimant la douleur [5]
2. LA LORELEY
La Loreley, ce poème narratif, commence par situer le lieu de l’action, Bacharach, où se trouve une sourcière blonde. C’est une sirène qui évoque la mort, mais d’amour, de tous les hommes dont les yeux tombent sur elle. Consciente de la cruauté de ce qu’elle fait, elle se livre, volontiers, aux mains de la justice pour épargner le sang de ses victimes éventuelles. Mais l’évêque, épris de sa beauté, l’absous : « D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté »[7]. Cela n’empêche pas la sirène, au cœur tendre, d’insister sur la sanction :
Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardée évêque en ont péri [8]
Il n’y a aucune solution pour délivrer le monde de ses puissances maléfiques que la mort qu’elle proclame avec insistance. Cette baguette magique, qui a fait attendrir le cœur de cette sirène impitoyable pour le sort de ses victimes, est l’amour, seul capable à émouvoir les rochers. Pourtant c’est le désespoir après le départ de son amant qui lui fait songer à la mort. L’évêque, épris d’elle et ne pouvant la faire mourir, la condamne en démence dans un couvent de religieuses. Sitôt voyant le bateau de l’amant, elle s’élance vers lui. « Elle se penche alors et tombe dans le Rhin »[9].
La mort semble, donc, la seule solution restante devant la Loreley, affolée d’amour, pour avoir le même sort que ses victimes.
[1] Guillaume Apollinaire, Merlin et la vielle femme, Alcools, Gallimard, Paris, 2008, p.129
[2] Ibid, p.130
[3] Ibid
[4] Ibid, p.131
[5] Ibid
[6] Ibid
[7] Guillaume Apollinaire, La Loreley, Ibid, p. 182
[8] Ibid
[9] Ibid, p.184