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Analyse,critique et interprétation des oeuvres littéraires.

LES MYTHES DANS LE RECUEIL ALCOOLS DE GUILLAUME APOLLINAIRE

Publié le 2 Novembre 2009 par Fatima EL BOUANANI in Vers

MYTHES MODERNES

1. LA VILLE MODERNE

 

Apollinaire est fasciné par l’évolution industrielle qui évoque à son tour une évolution culturelle. Citant les aspects de ces évolutions, il explicite sa fascination par la ville, et notamment par Paris dont il est épris par les jolies rues neuves et propres, par « Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes »[1], par ses soirs flambant de l'électricité et par les tramways et les feux verts.

Paris devient, sous la révolution française, le centre de l’univers. Toutes les villes de France, d'Europe et du monde répondent à son appel et viennent désaltérer sa soif avec leurs maisons et leurs habitants. Et la ville requiert un caractère divin :

Et Lyon répondit tandis que les anges de Fourvières
Tissaient un ciel nouveau avec la soie des prières
Désaltère-toi Paris avec les divines paroles
[2]

 

 2. LA RÉVOULUTION FRANÇAISE

 

Vendémiaire est le poème qui clôt alcools. Le titre à lui seule est significatif : c’est le nom du premier mois du calendrier révolutionnaire. Le poète évoque cette époque de changements politiques incroyables. C’est l’époque qui a mis fin aux empires successifs de l’histoire de la France : « Je vivais à l'époque où finissaient les rois »[3].

Les Français sacrifient leur vie et font couler, volontiers, leur sang pour l’honneur de la France présentée par la capitale Paris à qui le poète attribut des caractères divins. Il devient un dieu qui « Divise ici les saints et fait pleuvoir le sang »[4]. Les cadavres des morts sacrifiés pour Paris sous la révolution française sont des grappes, des grains ou des raisins vendangés pour en tirer le sang qu’aime à boire Paris :

 

Et ces grappes de morts dont les grains allongés
Ont la saveur du sang de la terre et du sel
Les voici pour ta soif ô Paris sous le ciel
[5]

Le sang seul désaltère Paris assoiffé. Pourtant le sang français est digne de réaliser cette révolution. Et les Français sont prêts à se sacrifier. Ils sont des grains suffisamment mûris pour saigner abondamment sous le pressoir de façon à atténuer cette soif terrible dont souffre Paris : « Tu boiras à longs traits tout le sang de l'Europe »[6].

Pourtant Paris-France mérite ces sacrifices pour plusieurs raisons : « Parce que tu es beau et que seul tu es noble » [7], et « Parce que c'est dans toi que Dieu peut devenir »[8]. C’est également pourquoi tous Ces morts sacrifiés sont fiers de leur exploit qui gagne en sainteté.

Dans son Poème lu au mariage d’André Salmon, apollinaire semble bien détourné de ses convictions révolutionnaires. La révolution n’est plus capable de produire des renouvellements. Il affirme que la poésie est seule capable de renouveler le monde. De ce fait, ce sont les poètes qui deviennent des héros patriotes et doivent avoir droit que l’on les honore nationalement : « On a pavoisé Paris parce que mon ami André Salmon s'y marie »[9]. La liberté et la démocratie sont, donc, illusoires. La seule liberté est la liberté végétale que fournit la nature dans laquelle aiment puiser les poètes :

Ni la pudeur démocratique veut me voiler sa douleur
Ni la liberté en honneur fait qu'on imite maintenant
Les feuilles ô liberté végétale ô seule liberté terrestre
[10]

Mais cela ne nie en aucun cas la vérité que la révolution a rendu aux citoyens leur vie et leur a donnés des choses à défendre : « […] les drapeaux claquent aux fenêtres des citoyens qui sont contents depuis cent ans d'avoir la vie et de menues choses à défendre »[11].
 

 3. PROGRÈS

 

Dans Zone, le poète exprime, en s’adressant au Tour Eiffel, sa lassitude de ce monde ancien et son goût pour la modernité : « À la fin tu es las de ce monde ancien »[12]. C’est le progrès qui peut apaiser sa soif pour la modernité qui dépasse même les choses les plus modernes. Ainsi même les automobiles ont l'air d'être anciennes. Ce progrès au rythme extrêmement rapide fascine le poète qui s’élance à citer ses aspects comme les journaux, « […] les livraisons à 25 centimes pleines d'aventures policières »[13], Les directeurs, les ouvriers, les belles sténo-dactylographes et les troupeaux d’autobus. Images agréables qui satisfont à l’ambition sans frontières du poète à un idéal, au luxe: « J'aime la grâce de cette rue industrielle  »[14].

Mais l’invention qui lui ôte toute raison est l’avion. Il la décrit dans la langue d’un croyant ardent. Il est Dieu ou Christ. « Il détient le record du monde pour la hauteur »[15]. La rapidité de l’avion rend l’errance moins douloureuse : de Marseille à Coblence, de Rome à Amsterdam, le monde devient un petit village, facile à parcourir. Et l’espace réel devient imaginaire en perdant la distance qui sépare ses coins.

Cette invention dont la puissance surmonte les miracles évangéliques et les records humains étonne le poète. Etonnement qui semble bien être justifié si l’on connaît que même les êtres mystérieux sont enchantés par le génie de cette découverte :

Les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder 
Ils disent qu'il imite Simon Mage en Judée […] 
Les anges voltigent autour du joli voltigeur 
[16]

Créatures mythiques, prophètes, prêtres, sont tous épris par la nouvelle invention. Après avoir aéré, l’avion se pose sans refermer ses ailes. Tous les oiseaux volants du monde, réels ou mystérieux, viennent assister à ce spectacle aérien. Spectacle où ne manquent pas le phénix et « Les sirènes laissant les périlleux détroits »[17]. Toutes ces créatures mythiques ou réelles se trouvent obligées à céder à la volonté de l’avion chantant sa satisfaction. C’est alors qu’Aigle, Phénix et pihis de la Chine se voient obligés à fraterniser avec la volante machine.

Le progrès devient la religion du poète dans la mesure où il satisfait à son aspiration au renouvèlement voire à l’idéal. Cette religion à laquelle il croit aveuglement rend honteux d’exercer le culte d’une autre, jugée dépassée et ancienne : « Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière »[18].

Dans Les Fiançailles IV, l’invention poétique est assimilée à une électricité qui jaillit dans la mémoire. Du point de vue de l’innovation, elles ont la même valeur :

Aux yeux d'une mulâtresse qui inventait la poésie
Et les roses de l'électricité s'ouvrent encore
Dans le jardin de ma mémoire 
[19]

La belle femme, dont parle1909, devient une machine. Le fer est son sang, la flamme son cerveau. Puis Apollinaire explicite son enthousiasme pour la révolution industrielle et scientifique : « J'aimais j'aimais le peuple habile des machines » [20]. Le luxe et la beauté ne sont que les produits de cette révolution industrielle. Et l’idéal féminin devient un signe du progrès dont le rythme étonne effroyablement. Cette dame à la beauté frappante ne serait que la France, couronnée capitale du progrès :

Les yeux bleus les dents blanches et les lèvres très rouges
Elle avait un visage aux couleurs de France
[21]

 

4. L’ORIENT

 

Rosemonde, maitresse du roi, conçue la plus belle de toutes les femmes du monde, devient femme de ses pensées mais dont la beauté ne peut égaler l’orient : « Dont ni perle ni cul n'égale l'orient » [22]

C’est la patrie vers la quelle immigrent les pensées : « De rêveuses pensées en marche à l'Orient »[23]. Cet Orient, visée de toutes les pensées, est l’Orient que chantent les poètes. Idée accentuée par la "O" majuscule.
 

 5. LA FEMME AUX BEAUX YEUX ET AUX CHEVEUX LONGS

 

Le batelier de la Nuit rhénane raconte l’histoire des fées qui laissent «Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds » [24] et qui enchantent l’été. Pourtant l’été ne semble pas le seul à être enchanté par ces cheveux longs, le poète aussi dévoile sa fascination par ces cheveux. Il demande de mettre, auprès de lui, toutes les filles blondes « Au regard immobile aux nattes repliées »[25]. Les cheveux longs de La Loreley sont à la merci du vent : « Là-haut le vent tordait ses cheveux déroulés »[26]. Les déités des eaux vives de Clotilde laissent couler leurs cheveux. Elles s’identifient à la bien-aimée :

Les déités des eaux vives
Laissent couler leurs cheveux
Passe il faut que tu poursuives
Cette belle ombre que tu veux 
[27]

S’adressant à Marie, il évoque le sujet des cheveux longs qui voyagent mais à un lieu ignoré, symbole de la perte de maîtrise de leur relation jusque-là rompue. Le poète exprime son goût pour les beaux paysages, naturel et humain qui interagissent pour ne devenir qu’un seul. En effet, La Loreley est à la fois le beau rocher et la belle femme aux cheveux de soleil que mire l’eau : « Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil »[28].

La dame de 1909 a des yeux angéliques. Ce sont des yeux bleus qui ajoutent à une nature, originellement, belle : « Les yeux bleus les dents blanches et les lèvres très rouges »[29]. Ces beaux yeux exercent sur le poète un effet incroyable. Ceux de son amante, dont les regards ont une puissance extraordinaire, traînent les étoiles. De plus ils ont sur lui un effet de sirènes. Ils les assimilent même: « Dans ses yeux nageaient les sirènes  »[30]. Ils sont beaux mais vénéneux comme les colchiques :

Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violatres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne
[31]

Les yeux des sirènes fascinent le poète, ils font allusion à Annie, Marie et toute femme qui a affectionné le poète. Les pétales fleuris des cerisiers lui rappellent de la bien-aimée. Ils sont « [...] comme ses paupières »[32].

 

 



[1] Guillaume Apollinaire, Zone, Alcools, Gallimard, Paris, 2008, p.32

[2] Ibid

[3] Guillaume Apollinaire, Vendémiaire, Ibid, p.234

[4] Ibid, p.236

[5] Guillaume Apollinaire, Vendémiaire, Ibid , p.237

[6] Ibid, p.239

[7] Ibid

[8] Ibid

[9] Guillaume Apollinaire, Poème Lu au Mariage d’André Salmon, Ibid, p.108

[10] Ibid

[11] Ibid, p.110

[12] Guillaume Apollinaire, Zone, Ibid, p.31

[13]  Ibid, p.32

[14] Ibid

[15] Ibid, p.33

[16] Ibid

[17] Ibid, p.34

[18] Guillaume Apollinaire, Zone, Ibid , p.35

[19] Guillaume Apollinaire, Les Fiançailles IV, Ibid, p.201

[20] Ibid, p.222

[21] Ibid, p.221

[22] Guillaume Apollinaire, Palais, Ibid, p.81

[23] Ibid

[24] Guillaume Apollinaire, Nuit rhénane, Ibid , p.177

[25] Ibid

[26] Guillaume Apollinaire, La Loreley, Ibid, p.183

[27] Guillaume Apollinaire, Clotilde, Ibid, p.96

[28] Ibid, p.184

[29] Ibid

[30] Guillaume Apollinaire, Voie lactée I, Ibid, p.50

[31] Guillaume Apollinaire, Les Colchiques, Ibid, p.79

[32] Guillaume apollinaire, Mai, Ibid, 

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F
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N
<br /> Très bon blog. Bonne fin d'année<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Merci Mr Naim pour votre visite qui m'a faite grande joie, et pour votre encouragement notamment.<br /> Bonne fin d'année à vous aussi.<br /> <br /> <br />
F
<br /> Bonjour Hafsa, je m'excuse de ne pas pouvoir venir avant sur ton blog, j'étais absente, je passe te souhaiter un bon samedi, je t'écrirai un message sur ton mail, et t'envoyer un diaporama, à très<br /> bientôt<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Merci pour toi mon ami Hafsa de nous faire découvrir un grand poète avec un article bien travaillé et expliqué, j'aime lire ses poèmes, et c'est un grand plaisir de venir sur ton blog et apprendre<br /> des choses nouvelles sur Guillaume Apollinaire, je te souhaite une bonne semaine et à très bientôt<br /> <br /> <br />
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F
<br /> La Pivoine<br /> <br /> <br /> Pétales de pivoine<br /> <br /> Trois pétales de pivoine<br /> <br /> Rouges comme une pivoine<br /> <br /> Et ces pétales me font rêver<br /> <br /> <br /> <br /> Ces pétales ce sont<br /> <br /> Trois belles petites dames<br /> <br /> A peau soyeuse et qui rougissent<br /> <br /> De honte<br /> <br /> D'être avec des petits soldats<br /> <br /> <br /> <br /> Elle se promènent dans le bois<br /> <br /> Et causent avec les sansonnets<br /> <br /> Qui leur font cent sonnets<br /> <br /> <br /> <br /> Guillaume Apollinaire<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Bonjour Fathia.<br /> Merci pour ton cadeau qui m'est très cher et très valeureux. Je ne suis pas une poétesse mais j'adore la poésie. Elle m'est l'air que je respire. Elle me transpote hors de moi et m'emporte sur les<br /> platitudes de ce monde si cruel et adoucit mon ame asséchée.<br /> Merci encore une fois pour<br /> ton doux cadeau.Et bonne fin de semaine.  <br /> <br /> <br />