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Analyse,critique et interprétation des oeuvres littéraires.

L'étranger de Camus: des personnages signifiants

Publié le 30 Juin 2013 par Fatima EL BOUANANI

 

Chacun des personnages de L'étranger joue une fonction symbolique dans le roman. Ce ne sont pas de simples acteurs dont le rôle se limite par les bornes de l'histoire, mais invitent à de profondes réflexions pour en déceler la vraie signification. Meursault, Raymond, Marie, Masson et les Arabes sont donc des personnages à doubles fonctions qui, en faisant tisser les fils de l'histoire initiale du roman, suggèrent, par l'épaisse signification de leurs noms, leurs caractères et leurs rôles même, une autre plus profonde et plus universelle.


Meursault




Le héros du roman est le personnage le plus signifiant par la singularité de ses caractères et par sa fonction dans l'histoire. En effet, ce sont les premiers, les caractères, qui précisent son rôle et qui lui en préparent les moyens pour l'accomplir. Il est bizarre, méconnaissant et matérialiste.


Un personnage "bizarre"




Meursault est un personnage bizarrement passif qui agit, non selon ses convictions personnelles, mais selon la commodité. Sa passivité nous donne l'impression que l'on est devant un robot minutieusement dirigé par une télécommande. Il ne sait jamais refuser, contrarier ou donner son avis. Il a accepté de se marier avec Marie parce qu'elle le lui avait demandé, et ne saurait le refuser à n'importe quelle autre femme. De surplus quand il a envie de se débarrasser de quelqu'un qu'il écoute à peine, il a eu l'air d'approuver. Ses opinons ne sont guère basées sur un raisonnement logique, il n'est pas maitre de soi-même. C'est l'absurde. C'est la dépendance totale qui trouverait qui saurait habilement en tirer profit.
Il est aussi un être pessimiste, sans ambitions, d'ailleurs il les a perdues après avoir quitté ses études. C'est également pourquoi il a refusé une exposition du travail à Paris. Cela parait incroyable pour un jeune homme de son âge, mais cette ville si éblouissante ne l'attire guère, il la trouve «sale. Il y a des pigeons et des cours noires. Les gens ont la peau blanche[3].»Voila comment voit-il la capitale des rêves, Paris, et comment voit-il le monde et la vie elle-même. Effectivement cette dernière n'a pas de sens et il en est indifférent.
Voilà en somme la mentalité paralysée de Meursault, mais lorsque la pensée s'absente, les sentiments la remplacent pour réaliser un certain équilibre. Le pire est que ceux aussi sont absents chez notre héros, c'est un homme vide sans âme dont la froideur est le grand titre, il enterre sa mère avec toute l'insensibilité du monde. C'est un athée qui ne croit pas en un dieu qu'il ne voit pas, et garde un caractère taciturne et renfermé envers les autres et envers lui-même. Il est étranger en soi, et la vie ne le regarde pas, c'est effectivement pourquoi il garde le sang froid, même en risquant sa vie, après avoir été condamné à mort. En effet tout lui est égal.


Un méconnaissant




Meursault est un personnage froid, insensible et indifférent, on le juge mal dans le quartier, parce qu'il a mis sa mère dans l'asile des vieillards, et l'a quittée à son sort jusqu'aux derniers moments de sa vie, mais cela lui parait naturel puisqu'il n'a pas assez d'argent et puisqu'elle n'a rien à lui dire. Elle est inconnue pour lui, il ignore son âge. Et tant qu'elle n'a rien à lui dire, son rôle est fini là. Elle doit être retraitée et posée à l'écart comme toutes les vieilles choses. Les engagements familiaux s'anéantissent ici au profit des considérations purement matérialistes.
Contrairement à Salamano, le voisin qui reste fidèle à son chien dégoutant par ses croutes qu'il pleure chaleureusement, lui il n'éprouve aucune affection envers l'auteure de ses jours, jetée à l'asile sans lui rendre aucune visite la dernière année de sa vie, parce que cela lui coûte « le dimanche- sans compter l'effort pour aller à l'autobus, prendre des tickets et faire deux heures de route[4].»
C'est une muette, réduite au silence et à la négligence au déclin de sa vie de la part de son chou de cœur, insensible à son sort. Insensibilité qui tient son apogée avec la mort de celle-ci. Nulle affection, nulle tristesse, juste une indifférence comme s'il n'avait aucun lien avec la défunte, et une anxiété car il devait veiller péniblement sur l'enterrement, c'est un surcharge de plus. Et sans faire couler aucune larme, sans faires les derniers adieux à la décédée, sans jeter aucun regard sur elle, il va l'enterrer comme on enterre une inconnue, sans même se rappeler des détails des funérailles, mais se rappelle seulement de sa joie de retour parce qu'il va se «coucher et dormir pendant douze heures[5]», pour continuer, le lendemain, à se réjouir de sa vie comme si rien n'a été passé. D'ailleurs cette page a été définitivement détournée.

 


Un matérialiste




Le protagoniste a une nature telle que ses besoins physiques dérangent ses sentiments. Ainsi tout ce qui le tourmente, dans sa prison, sont des besoins d'ordre physique tels les femmes, les cigarettes et le sommeil. Pour lui, ôter quelqu'un sa liberté c'et le priver de toutes ces choses. Mais il a réussi à les surmonter tous, le désir des femmes par les souvenirs de toutes les femmes qu'il a connues; les cigarettes par sucer du bois; il a arrivé même à tuer le temps par le biais du jeu des souvenirs.
Les besoins physiques sont alors à l'origine de tous ses malheurs. Et comme il est bizarrement impuissant à les surmonter, il y cède aveuglement sans en considérer les conséquences. C'est alors que pour fuir les pleurs des femmes dans le cabanon, après la blessure de Raymond, il revient sur la plage sous le soleil brulant. Et pour échapper à cette dernière et à la chaleur étouffante de la plage, il va revenir sur la source de l'eau et tuer l'Arabe. Il a tiré le premier coup et il a attendu un peu, et sous l'influence de la plage rouge et du sentiment de la brulure sur son front, il va tirer les quatre autres coups. Ces besoins physiques témoignent d'une puissance majeure sur lui, ils sont toujours là pour le porter sur toute autre chose, même dans les situations les plus décisives. C'est également le cas dans la scène du procès, il a mal suivi le juge dans son raisonnement, parce qu'il a chaud, et parce qu'il y a de grosses mouches posées sur sa figure. Et lors de la déclaration du jugement, une trempette d'un marchand de glace, qui a raisonné jusqu'à lui, va l'égayer pour n'avoir qu'une seule hâte, que cette scène se termine.
Son corps a donc tout le pouvoir sur lui, et les sentiments n'ont aucune considération, ni envers l'auteure de ses jours ni envers la femme qu'il a choisie pour passer avec le reste de sa vie. En effet, sa relation avec elle est purement physique. Elle ne l'aime pas, pour lui l'amour «cela ne voulait rien dire[6]». Ce sont les besoins physiques son vrai moteur. Et Raymond a su s'en profiter, il lui offre généreusement cigarettes, repas et vin pour s'assurer de sa servitude totale qu'il va utiliser malignement à son profit. Il devient son chien fidèle qui va jusqu'au bout dans l'obéissance aveugle. Pardon cela semble plus bas que l'animalité car le chien, outre ses besoins physiques, réussit souvent à tisser des liens sentimentaux avec son bienfaiteur. Meursault n'en a pas, et n'écoute que son corps qui va le guider à commettre un crime. Mais pour lui, tuer pour l'argent c'est tout à fait naturel, d'où son indifférence à la terrible histoire du tchèque, tué par sa mère et sa sœur pour des considérations purement matérialistes.

Meursault est un homme naïvement passif et froid, sans assise morale, ni sentiments humains, bizarrement insensible, purement matérialiste, méconnaissant envers celle qui lui a donné le jour, extrêmement égoïste, doté d'une rare servitude et ayant une aptitude naturelle à tout faire pour satisfaire ses besoins physiques sans en considérer les conséquences, symbolise par là l'Occident chantant à réaliser des privilèges économiques, suivant aveuglement Israël et prêt à mener des guerres pour la défendre.

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